Le hall est spacieux, lumineux même. Murs blancs, bois blond, verre et acier partout. La seule tache de couleur, sur le mur du fond, vient du bariolage des dizaines de dessins d’enfants et des petits mots adressés aux ripeurs et ripeuses. Du sol au plafond, camions verts, bacs jaunes, triskèles du recyclage et autres poubelles débordant de cœurs alternent avec les « Merci », « Courage » et « Prenez soin de vous » multicolores. Autant de faire‑part témoignant de la véritable lune de miel vécue, au printemps 2020, entre la population et le service de collecte des ordures ménagères du pays de Saint‑Malo. « Malheureusement, ça n’a pas duré. Dès le second confinement, on se faisait insulter », glisse Patrick Bauthamy en haussant les épaules. La quarantaine altière, cet ancien militaire est le patron, depuis 2009, de la Direction de la Collecte et du Traitement des Déchets (DCTD) de l’agglomération de Saint‑Malo.
Les habitants et habitantes du pays de Saint‑Malo ont donc globalement mis fin unilatéralement à leur histoire d’amour avec les agents et agentes des ordures ménagères. Ils n’auraient pas dû. Ici, le ratio de production de déchets atteint 768 kilos par personne quand la moyenne nationale tourne autour de 525 kilos, soit près d’une fois et demie de plus. L’explication est simple : « On ne peut pas quantifier les touristes. Ma référence de comptage, c’est le nombre d’habitants. » La surproduction de déchets ménagers vient donc de cette population fantôme de visiteurs et visiteuses du temps court ou plus long qui influe même sur les équipements de la DCTD. Elle s’est donc vue obligée d’investir dans 99 points d’apport volontaire (PAV) pour éviter « les poubelles du dimanche soir » qui traînaient jusqu’à la prochaine collecte, faisant ainsi le bonheur des goélands.
Nos ordures ont de la valeur
Concernant les populations de passage, même leurs bonnes habitudes en matière de tri peuvent se révéler néfastes. Outre le fait que « les touristes ne sont pas là pour faire du tri », les usages pris chez eux peuvent ne pas se concilier avec ceux en pratique sur le pays de Saint‑Malo. « Ici, nous n’acceptons en bac jaune que les plastiques en forme de bouteille », rappelle Patrick Bauthamy. Polluées par des déchets qui n’ont rien à y faire, les collectes de bacs jaunes peuvent alors être refusées par le centre de tri et dirigées vers l’usine d’incinération. Une couche usagée peut ainsi recaler un bac entier de matière triée. D’où un taux de refus