Numéro 3
Paris-Belleville
À la croisée des arrondissements et des cheminements, Belleville surplombe l’est de Paris de sa colline escarpée. De ce territoire pluriel, où déambulent des destins contraires et contrariés, 40 journalistes et photographes se sont imprégnés pour ce troisième numéro de Pays. Par les mots et les images, ils et elles content ses frasques et ses fortunes, ses maux et ses remèdes. Foulez son sol à leurs côtés à la recherche de ce qui l’anime et de ce qui l’interroge.
Pays est imprimé à Landerneau (Finistère) sur du papier certifié FSC.
Au sommaire
Malik Habchi & Émilie Vernerey
Il était le visage d’un lieu bien connu de Belleville. Pedrô, dont les pochoirs ont orné la rue Dénoyez, est disparu en novembre 2020. Sa mort sonne la fin d’une époque, celle d’une bande d’ancien·nes squatteurs et squatteuses, qui a changé la physionomie de cette allée pavée jusque-là mal famée. Aujourd’hui, elle fait face à de nouveaux dangers : l’institutionnalisation et la gentrification.
Rémi Yang & Fanny Tondre
C’est dans le quartier de Belleville que les travailleuses du sexe chinoises sont les plus nombreuses à Paris. Pas toujours bien acceptées par les riverains.es, elles font leur possible pour y trouver leur place malgré tout, aidées par des associations communautaires très implantées.
Roni Gocer & Philippe Labrosse
Il fut un temps où les rues de Belleville et du Faubourg du Temple accueillaient une beuverie géante. Elle réunissait toutes les classes sociales. On l’appelait la Descente de la Courtille. L’esprit festif et dépravé de ce rassemblement, dont le premier s’est déroulé en 1822, s’en est-il allé ? Les nuits bellevilloises semblent dire le contraire.
Sylvie Fagnard & Teresa Suárez
Cora Vaucaire, Fréhel, Berthe Sylva… Le répertoire de Minelle compte d’innombrables chansons réalistes, qu’elle partage le soir aux touristes, amateurs et amatrices de tubes anciens à l’image d’un Paris révolu. Personnage haut en couleur, la chanteuse de nuit et prof de jour n’arrêterait cette vie parallèle pour rien au monde.
Pauline Briand et Julie Sebadelha
Dans le brouhaha de la capitale, on aurait tendance à ne pas les apercevoir. Et pourtant, les corneilles occupent Belleville dans les airs et sur terre. Que nous cachent ces corvidés tous vêtus de noir ? Dans une approche poétique, la journaliste Pauline Briand partage sa vision de l’oiseau avec celles des habitant·es et des spécialistes.
Miren Garaicoechea & Antoine Martin
Occuper un local et distribuer des repas aux voisin·es dans le besoin ? C’est l’idée du collectif Big2H, installé dans le quartier Sainte- Marthe. L’initiative, belle sur le papier, ne plaît pas à tout le monde. Car, derrière le projet solidaire, des soupçons s’éveillent.
Pauline Pellissier & Katia Zhdanova
En vingt ans, le prix de l’immobilier à Belleville a explosé. D’un quartier populaire, il est devenu inaccessible. Alors certain.es prennent les devants et lancent des initiatives pour tenter de contrer la gentrification galopante. Résidences étudiantes ou HLM construits par des habitant·es, les idées fusent pour faire face aux prix délirants.
Mathilde Doiezie & Édouard Ducos
Un des sommets de la ville de Paris, Belleville cache sous sa colline un secret : des sources. Ce n’est pas tout. Les sous-sols couvrent également de larges réserves de gypse, un temps exploitées dans des mines. Ces richesses, aujourd’hui laissées à l’abandon, influencent toujours la vie au-dessus, sur la terre ferme. Aussi bien quant aux risques d’effondrement que pour les fuites incontrôlées, qui touchent même les habitant·es.
Antonin Plu & Juliette Avice
Le vernis semi-permanent ne cesse de se populariser. Avec lui, les ongleries, ces boutiques pour se faire décorer les extrémités des doigts. À Belleville, elles se multiplient. Mais, derrière les paillettes et la multitude de couleurs, la pose et le retrait de ce parement ne sont pas sans risque. On retrouve dans les vernis près de 60 substances très préoccupantes pour la santé. En première ligne ? Les propriétaires et les employé·es des petits salons de beauté.
Marie Frumholtz & Camille Léage
Dans le quartier de l’Est parisien, la gentrification touche tout le monde. À commencer par les artistes et artisan·es, qui se battent depuis trente ans — à travers différents collectifs et initiatives installés dans la rue Ramponeau — pour demeurer dans leur lieu de coeur et de vie. Leur revendication de toujours ? L’accès à des ateliers bon marché. Une denrée de plus en plus rare.
Estelle Dautry & Victor Point
Écoles maternelles ou élémentaires, tous les établissements bellevillois sont classés en Réseau d’Éducation Prioritaire (Rep). Des parents, frileux à l’idée de mettre leurs enfants dans le public, contournent la carte scolaire ou font le choix du privé. La mixité sociale et culturelle si chère aux habitant·es du quartier ne se retrouve pas sur les bancs de classes.
Cahier culturel
Xavier Capodano, Jujubier, Antoine Hinge, Diane Lestage, Marion Poncel et Sophie Rossignol
Les projets artistiques qui ont marqué et marquent encore Belleville de leurs empreintes, mais aussi des jeux à compléter.
Timothée de Rauglaudre & Morgane Delfosse
Inspiré·es par l’anarchiste catholique américaine Dorothy Day, des jeunes ont lancé en 2017 un café chrétien alternatif rue de Ménilmontant. Aide aux sans-papiers, soutien scolaire et ateliers manuels animent les journées, tandis que les soirées laissent la place à des conférences autour du syndicalisme ou de Saint-Augustin. Des chrétien·nes de gauche se retrouvent dans ce lieu voué à la réflexion et à l’ouverture aux autres, loin d’un catholicisme refermé sur lui-même.
Corentin Le Dréan & Serge Hastom
Ménilmontant 1871 FC, c’est son nom, inspiré de la Commune de Paris, qui a soulevé les rues de Belleville à la fin du XIXe siècle. Ce club de foot populaire, opposé au juteux business du sport commercial, défend des valeurs antiracistes et antifascistes sur le terrain et en dehors. De quoi changer les mentalités jusque dans les stades.
Fanny Marlier & Valentina Camu
Jusqu’en 2017, les seul·es étranger·es à pouvoir obtenir la licence IV pour vendre de l’alcool dans un établissement commercial en France étaient les Algérien·nes. Cette spécificité, conséquence des accords d’Évian signés en 1962, a eu un effet direct sur les bars et cafés bellevillois : une large majorité a été rachetée par des Kabyles. Que reste-t-il de cet héritage aujourd’hui ? Un esprit communautaire certain, même si, au fil des années, les jeunes générations s’éloignent de la restauration pour prendre un autre chemin.
Cécile Marchand Ménard & Benoît Michaëly
Designer internationalement reconnue, matali crasset habite et travaille dans le bas Belleville. À vélo, l’équipe de Pays l’a suivie dans ce quartier qu’elle affectionne et où elle a tissé des liens très forts. L’esprit de village, qu’elle a rapporté de sa Marne natale, se retrouve dans les rues pentues de la colline.
Simon Mauvieux & Valentina Camu
Ils s’appellent Miicrobe BLV, Rannel, Issa ou Walter. Tous ont grandi à Belleville et n’ont qu’une envie : réussir dans le rap. Dans le sillage de Mister You, qui a mis le quartier sur le devant de la scène, ces jeunes plein de niaque et d’ambition veulent raconter le lieu où ils ont fait leurs premiers pas et les changements qu’il subit. Un parcours semé d’obstacles qu’ils comptent bien surmonter.
Guillermo Rivas Pacheco & Teresa Suárez
Deuxième plus petite ligne de métro parisienne, la 7bis court de la place des Fêtes à Louis Blanc tranquillement. Perchée sur la butte de Belleville, elle est louée pour son calme et son côté familial par les passager·es. Mais elle recèle aussi bien des secrets, comme sa construction rocambolesque sur les anciennes carrières de gypse. Un voyage poétique.
Manon Boquen & Benoît Michaëly
Il n’est pas rare d’entendre dire que le quartier de Belleville est sale. De quoi ce jugement de valeur est-il le nom ? Le sociologue Denis Blot, spécialiste des déchets, répond aux questions de Pays et démonte les préjugés liés à ce sujet essentiel à bien des égards.
Manon Boquen & Benoît Michaëly
Le mot qui le caractériserait le mieux ? Populaire. L’ambiance qui règne sur place ? Une sorte de cohue maîtrisée. Le marché de Belleville court sur 800 mètres et réunit plus de 200 stands, beaucoup de fruits et légumes, quelques charcuteries ou poissonneries, mais aussi des tapis ou des vêtements dégriffés. L’un des moins chers de Paris, il voit passer des riverain·es, comme des gens venus de loin. Au fil des heures, le tempo s’accélère jusqu’aux derniers instants, qui rassemblent les plus démuni·es.