Prostituées, surtout bellevilloises

C’est à Belleville que les travailleuses du sexe chinoises sont les plus présentes à Paris. Elles essaient de s’approprier ce quartier où elles ne sont pas toujours les bienvenues.

Rémi Yang & Fanny Tondre
Le boulevard de la Villette, avec ses portes cochères, rassemble le plus grand nombre de prostituées. Entre les magasins d’alimentation et d’électronique, elles travaillent.

Il est 18 heures lorsqu’Aying se dresse sur la scène du Chinatown, face au micro. La salle du célèbre restaurant-bar-karaoké est encore vide. Dans sa main, Aying tient plusieurs feuilles A4 où sont imprimées les lignes du discours qu’elle devra prononcer d’ici quelques heures, au moment où les invité·es auront pris place autour de ces tables rondes typiques des restaurants chinois. Chignon, maquillage, haut en dentelle noire, collier de perles et longue jupe sombre, Aying s’est faite belle pour l’évènement. 

Joyeux anniversaire

Dans ce quartier de Belleville où elle a vécu et exercé plusieurs années, Aying a gagné une certaine notoriété auprès des femmes chinoises qui se prostituent le long du boulevard de la Villette. L’association Les Roses d’Acier, qu’elle préside, concentre la majorité de son activité dans ce secteur. Elle répond également présente dans le XIIIe arrondissement et autour du quartier de la Fourche, deux autres coins où l’on retrouve des travailleuses du sexe chinoises. Cette structure communautaire — fondée par des prostituées chinoises, pour des prostituées chinoises — multiplie les actions pour répondre aux besoins d’un public qu’il est compliqué de suivre pour des organisations plus classiques. Aujourd’hui, Les Roses d’Acier comptent environ 150 adhérentes qui versent une cotisation de quinze euros pour profiter de ses services.

Ce soir tout ce beau monde s’est réuni pour fêter le septième anniversaire de l’association. Plus de 80 personnes ont pris place autour des tables. Une grande majorité d’adhérentes, auxquelles se retrouvent mêlés des sympathisant·es, l’équipe du Lotus Bus — un programme de Médecins du Monde qui accompagne les travailleuses et travailleurs du sexe — et d’autres représentant·es de l’ONG. 

Face à cette foule qui s’est déjà servi quelques verres de bière en attendant que les plats arrivent, Aying se tient droite comme un piquet sur la scène, ses petites lunettes rouges sur le nez et ses fiches dans les mains. Avec le charisme d’une présentatrice TV, elle souhaite la bienvenue aux convives avant de dérouler son discours. Chacune de ses phrases est ponctuée d’une nuée d’applaudissements. 

« Nous avons toutes besoin de tout le monde. Si vous avez du temps libre et que vous espérez aider d’autres personnes, comme nous le faisons, nous invitons également toutes nos sœurs à s’inscrire pour rejoindre notre équipe de bénévoles ! »

Après le repas, Aying et ses consœurs se sont époumonées au karaoké jusqu’à 23 heures avant de rentrer chez elles. Pour Les Roses d’Acier, cette soirée d’anniversaire est un grand succès.

« Elles viennent tenter leur chance »

Avant le Covid, 130 à 150 prostituées chinoises bossaient chaque jour à Belleville. Il y en avait certainement plus : ce chiffre ne comprend « que » les femmes que le Lotus Bus rencontrait

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