Demain, se loger

Avec sa dizaine d’agences immobilières et son prix moyen qui frôle les 10 000 euros le mètre carré, la rue de Belleville est emblématique du marché parisien : ça flambe ! Comment continuer à vivre dans ce quartier originellement populaire, et maintenir une certaine mixité ? Des initiatives voient le jour pour tenter de répondre à ces problèmes.

Pauline Pellissier & Katia Zhdanova
Le projet Utop, coopérative d’habitat à Paris, est en chantier. Le futur immeuble de sept étages est situé dans le XIXe arrondissement.

« Gentrification », le mot est apparu un matin de janvier, tagué en noir sur la façade d’une ancienne fabrique de fleurs en tissu, destinées à la haute couture et aux décors de théâtre. Racheté il y a quelques années par la Ville de Paris, ce bâtiment en brique des années 30, rue du Soleil, a vu s’affronter plusieurs projets de reprise, et accueille certains jours des distributions alimentaires. La crainte des riverain·es ? Qu’il soit acquis par des promoteurs ou promotrices, et revendu au prix fort en programme neuf. Ou transformé en hôtel haut de gamme, à l’image de ceux qui arrivent dans le secteur, tels les hôtels Babel et Novotel. Car Belleville se mue en quartier touristique. Comme on irait visiter des coins plus authentiques et cosmopolites de Berlin ou de Londres.

Point d’hébergement luxueux prévu dans l’ancienne fabrique de fleurs. Entre l’installation d’ateliers de mode ou celle d’un campus d’entrepreneur·es, c’est le plus social des trois projets qui s’est imposé. « En plus des Restos du cœur qui garderont un local, les 1 000 mètres carrés accueilleront une cantine solidaire, un studio de répétition accessible aux gens du quartier, quatre logements destinés à de jeunes chercheurs (loués en dessous des prix du marché), un plateau modulable et privatisable (pour des expos, séminaires…), une terrasse avec une serre (gérée par une association spécialisée en jardins urbains) et enfin des espaces de travail loués par des entreprises qui œuvrent à la fabrique de la ville », détaille l’enthousiaste Jeanne Tonneau, pas encore 30 ans, chargée de coordination de La Grande Coco. Parmi les acteurs et actrices de la ville de demain, la foncière Bellevilles, qui a réalisé le montage financier du projet : un bail à construction pour 45 ans, une convention d’occupation temporaire et un lieu remodelé qui devrait ouvrir ses portes en 2023. 

« Les gens ont raison d’avoir peur »

« L’objectif n’est pas de faire de l’argent, même si l’on recherche la viabilité pour le pérenniser », annonce Alexandre Born, 37 ans, cofondateur de Bellevilles, une foncière qui se présente comme « responsable ». Cela veut-il dire que les autres ne le sont pas ? « Ce qui nous guide, ce n’est pas la lucrativité économique, c’est de s’assurer que nos projets sont la résultante d’un besoin », poursuit-il, affichant avec charisme sa différence. Créée en 2019, son entreprise souhaite analyser la totalité des répercussions des opérations immobilières et les minimiser, préférant par exemple les matériaux de réemploi ou biosourcés, et menant des projets les plus concertés possibles. Alors que leurs chantiers se multiplient à travers la France — dans la même veine que d’autres foncières à impact comme Terre de Liens en milieu rural ou Base commune pour les locaux commerciaux — c’est le nom de Belleville qui a été retenu comme étendard. « Parmi les quatre associés de départ, on a presque tous habité Belleville. On est liés à ce quartier populaire. On en voit l’évolution, la gentrification, nous y participons nous-mêmes, alors on s’interroge dessus, on y réfléchit en toute humilité. Quand bien même on essaie d’agir à notre échelle sur l’évolution du foncier, cela ne suffit pas toujours. Les gens ont raison d’avoir peur, c’est à nous de les rassurer », ajoute Alexandre Born. 

Avant l’émergence très actuelle de nouveaux acteurs et actrices de l’économie sociale et solidaire, le rôle de promoteur d’habitat accessible était laissé

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