Bien au chaud dans leur sac de transport, les marionnettes d’Enzo Dorr et Kahina Abderrahmani semblent endormies, innocentes. Une fois prises en main, Christiane et Michel s’éveillent pourtant. Le couple trépigne d’impatience de découvrir Charleville-Mézières et participe à une visite sur son histoire. Les Breton·nes animé·es n’écoutent pas autant que le reste du groupe, au grand dam du guide, et endossent les vices des touristes incommodes. Mais Christiane et Michel n’agissent pas de leur propre chef. Vêtu·es de noir, leurs commanditaires de 25 ans se feraient presque oublier. Le binôme opte pour la tenue la plus sobre possible lors de ses représentations. Kahina attache ses cheveux, Enzo ne quitte jamais son bonnet. Il et elle se faufilent sans répit entre les voyageurs et voyageuses. Si parfois on peut apercevoir des signes de fatigue, la concentration transpire derrière leur mine espiègle.
Petite ville devenue capitale
Sa renommée, Charleville-Mézières la doit en partie à un homme : Jacques Félix. Comédien passionné et natif de la ville, il y a fondé, en 1944, sa compagnie de marionnettistes : Les Petits Comédiens de Chiffons. Une compagnie dont le travail a marqué la cité, puisque sa représentation inspirée de la légende ardennaise des Quatre fils Aymon perdure sous la forme d’un monument incontournable, l’horloge du Grand Marionnettiste, située dans le centre-ville.
L’épopée de Jacques Félix a débuté dans les années 1960 : il ambitionnait de donner un nouveau souffle au métier en lui créant une place privilégiée dans son département d’origine. Tout a commencé avec l’idée d’un festival mondial de la marionnette. Jacques Félix s’est démené pour obtenir locaux, autorisations et financements grâce à sa présence dans les institutions politiques de la ville. Devenu secrétaire général de l’Union Internationale de la Marionnette, il a choisi Charleville pour en être la capitale, accomplissant son rêve de hisser sa cité natale en porte-drapeau de la discipline. Épaulé par son amie marionnettiste Margareta Niculescu, il s’est lancé sur le grand chantier de l’institut et de l’école, qui ont ouvert l’un après l’autre dans les années 80. Une première en Europe.
Margareta Niculescu a occupé le poste de directrice et a marqué une centaine d’étudiant·es par son dévouement. La recherche et la construction du savoir-faire de la marionnette se sont peu à peu centralisées à Charleville-Mézières et attirent, depuis, les artistes du monde entier. C’est cet univers si particulier que