La porte d’entrée ne cesse de s’ouvrir sur une salle exiguë, meublée d’une large table en bois et parsemée d’affiches au mur. Les bonjours, chaleureux, s’échangent avant quelques brèves questions : « Par quoi commence‑t‑on ? », « Les produits sont‑ils arrivés ? ». Le vendredi matin, à la Bigotière, l’animation est de rigueur. Des bénévoles viennent donner un coup de main pour préparer des paniers de produits locaux, que la société Les Paniers du Ruisseau — née ici — propose aux habitantes et habitants des alentours.
La Bigotière n’est autre que le nom du lieu‑dit où se niche ce corps de ferme plein de vie, dans les environs de Dol‑de‑Bretagne. Pendant longtemps, l’ensemble appartenait à un agriculteur. Jusqu’à ce qu’en 2016, il tape dans l’œil d’un groupe d’ami·es originaires de Rennes, à la recherche d’un endroit à investir pour créer un habitat partagé. À ce moment‑là, les comparses en étaient tous au même point : leurs enfants avaient pris leur envol, et les six couples pouvaient s’offrir un nouveau départ, à la campagne et en communauté. « On recherchait de l’ancien à restaurer », précise Jean‑Luc, allègre propriétaire de 56 ans aux cheveux couleur neige. L’ensemble, composé de quatre bâtisses de pierre typiquement bretonnes entourées d’un large terrain encadré d’arbres, avait de quoi plaire. Des espaces de vie privés et partagés pourraient s’y entremêler. Il n’en fallait pas plus pour les camarades, qui ont donc posé leurs valises au beau milieu de l’arrière‑pays de Saint‑Malo.
Du rêve à la réalité
Désireux de changer de vie, les quinquas avaient aussi en tête des tas d’idées et beaucoup d’utopies. « On avait même écrit une chanson pour en parler », s’amuse Jean‑Luc, idéaliste engagé, qui milite par ailleurs dans des associations environnementales de la région. Dans ce territoire rural, où les lieux de socialisation ferment les uns après les autres, la Bigotière se rêvait en coin de passage et de rencontres autour de valeurs chères aux copropriétaires : l’écologie, le social, la solidarité.
Dans la pièce qui fait office d’entrée, mais aussi d’endroit où se retrouver, une tête brune, les bras chargés de victuailles, s’approche. « Et voilà pour aujourd’hui », s’exclame Camille en déposant des plaquettes de beurre et des pots de crème fraîche. À trente ans, la jeune femme curieuse a changé de cap pour se lancer dans l’agriculture. En stage auprès d’une productrice de lait des environs, elle passe déposer des produits pour la société de paniers créée par Jean‑Luc et Nathalie — habitant dans un village du secteur — pendant le premier confinement. « On avait envie de créer un système alimentaire local, dans lequel les consommateurs seraient aussi acteurs », précise la deuxième, cheveux châtains, coupés courts sur un visage calme, autour de la table. Cette envie s’est propagée rapidement et une trentaine de producteurs et productrices locaux ont depuis pris part au projet, tandis que 150 personnes ont