Cet article est issu du premier numéro de Pays, consacré à Saint-Malo et ses alentours.

Le hameau des possibles

À Épiniac, en Ille‑et‑Vilaine, un lieu un peu par­ti­cu­lier a ouvert ses portes en 2016 : la Bigo­tière. Derrière ce nom se cache un habitat partagé aux mul­tiples facettes. Avec l’objectif de raviver un ter­ri­toire rural enclavé.

Manon Boquen & Benoît Michaëly
La Bigo­tière est un hameau partagé par six couples, à Épiniac, près de Dol‑de‑Bretagne.

La porte d’entrée ne cesse de s’ouvrir sur une salle exiguë, meublée d’une large table en bois et parsemée d’affiches au mur. Les bonjours, cha­leu­reux, s’échangent avant quelques brèves ques­tions : « Par quoi commence‑t‑on ? », « Les produits sont‑ils arrivés ? ». Le vendredi matin, à la Bigo­tière, l’animation est de rigueur. Des béné­voles viennent donner un coup de main pour préparer des paniers de produits locaux, que la société Les Paniers du Ruisseau — née ici — propose aux habi­tantes et habi­tants des alentours. 

La Bigo­tière n’est autre que le nom du lieu‑dit où se niche ce corps de ferme plein de vie, dans les environs de Dol‑de‑Bretagne. Pendant long­temps, l’ensemble appar­te­nait à un agri­cul­teur. Jusqu’à ce qu’en 2016, il tape dans l’œil d’un groupe d’ami·es ori­gi­naires de Rennes, à la recherche d’un endroit à investir pour créer un habitat partagé. À ce moment‑là, les com­parses en étaient tous au même point : leurs enfants avaient pris leur envol, et les six couples pou­vaient s’offrir un nouveau départ, à la campagne et en com­mu­nau­té. « On recher­chait de l’ancien à res­tau­rer », précise Jean‑Luc, allègre pro­prié­taire de 56 ans aux cheveux couleur neige. L’ensemble, composé de quatre bâtisses de pierre typi­que­ment bre­tonnes entou­rées d’un large terrain encadré d’arbres, avait de quoi plaire. Des espaces de vie privés et partagés pour­raient s’y entre­mê­ler. Il n’en fallait pas plus pour les cama­rades, qui ont donc posé leurs valises au beau milieu de l’arrière‑pays de Saint‑Malo.

Du rêve à la réalité

Désireux de changer de vie, les quinquas avaient aussi en tête des tas d’idées et beaucoup d’utopies. « On avait même écrit une chanson pour en parler », s’amuse Jean‑Luc, idéa­liste engagé, qui milite par ailleurs dans des asso­cia­tions envi­ron­ne­men­tales de la région. Dans ce ter­ri­toire rural, où les lieux de socia­li­sa­tion ferment les uns après les autres, la Bigo­tière se rêvait en coin de passage et de ren­contres autour de valeurs chères aux copro­prié­taires : l’écologie, le social, la solidarité. 

Dans la pièce qui fait office d’entrée, mais aussi d’endroit où se retrou­ver, une tête brune, les bras chargés de vic­tuailles, s’approche. « Et voilà pour aujourd’hui », s’exclame Camille en déposant des pla­quettes de beurre et des pots de crème fraîche. À trente ans, la jeune femme curieuse a changé de cap pour se lancer dans l’agriculture. En stage auprès d’une pro­duc­trice de lait des environs, elle passe déposer des produits pour la société de paniers créée par Jean‑Luc et Nathalie — habitant dans un village du secteur — pendant le premier confi­ne­ment. « On avait envie de créer un système ali­men­taire local, dans lequel les consom­ma­teurs seraient aussi acteurs », précise la deuxième, cheveux châtains, coupés courts sur un visage calme, autour de la table. Cette envie s’est propagée rapi­de­ment et une tren­taine de pro­duc­teurs et pro­duc­trices locaux ont depuis pris part au projet, tandis que 150 per­sonnes ont 

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