Cet article est issu du premier numéro de Pays, consacré à Saint-Malo et ses alentours.

Le piège des marées pour les dauphins hauturiers

Depuis 2016, le littoral français enregistre une augmentation des échouages de dauphins, et les captures accidentelles dans le Golfe de Gascogne concentrent toutes les inquiétudes. Pourtant, même sur la côte d’Émeraude où le matériel de pêche ne nuit pas aux cétacés, on en retrouve de plus en plus sur le rivage.

Haude-Marie Thomas & Martin Bertrand
Au large de la pointe du Grouin, au croisement de la baie de Saint‑Malo et la baie du Mont Saint‑Michel.

Le dauphin a été conduit par les services techniques de la grève jusqu’à un parking réservé à la municipalité de Saint‑Méloir‑des‑Ondes pour l’éloigner des regards.

« Continuez votre route sur le chemin de terre jusqu’à ce que vous ayez l’impression d’être chez des particuliers ! » avait prévenu Estelle Petiau, biologiste marine, salariée de l’association Al Lark, créée en 2004 pour éduquer à l’environnement marin et assurer le suivi scientifique de la population locale de cétacés. On la retrouve bien à l’endroit indiqué, entourée par des bénévoles, venus lui prêter main forte. Deux agents de l’Office français de la biodiversité à la veste siglée « police de l’environnement » l’accompagnent, enveloppés dans une combinaison de protection blanche. La scientifique commente chaque étape d’une voix posée, concentrée, relevant de temps à autre une mèche de ses cheveux bruns du revers de la main. À ses pieds, sur le bitume, gît un dauphin commun, une des espèces s’échouant le plus, mais rare à observer dans la baie du Mont‑Saint‑Michel. Ici, contrairement à la façade atlantique qui subit des échouages sans précédent par capture accidentelle — 85 % des dauphins examinés par le Réseau National Échouage, en 2019 — le matériel de pêche n’est pas en cause. L’association Al Lark n’a constaté qu’un seul cas ces quinze dernières années. En revanche, la baie vit au rythme des plus grandes marées d’Europe et ce terrain de jeu changeant déstabilise ces cétacés familiers des grandes profondeurs.

« Ce sont des dauphins hauturiers, explique Gaël Gautier, jeune quadragénaire, co‑fondateur et directeur de l’association Al Lark, membre du Réseau National Échouage. Certains, qui évoluent au cœur des océans, ne savent sans doute pas que la terre existe. » Sami Hassani, directeur de l’association pour la Conservation des Mammifères et Oiseaux Marins de Bretagne, installée dans les locaux d’Océanopolis à Brest, et responsable du Réseau National Échouage pour la Bretagne, précise que deux populations d’une même espèce se partagent les mers. Les dauphins communs des eaux océaniques, qui ont sous leurs nageoires de 3 000 à 4 000 mètres de profondeur et les habitants et habitantes du talus continental, entre la zone océanique et le plateau sensible au balancement des marées, qui, depuis 2016, se rapprochent de plus en plus des côtes. Cette année‑là, 1 342 cétacés se sont échoués sur les côtes françaises contre 820 en moyenne annuelle pour la décennie précédente. 

À la recherche de nourriture

« C’est vraisemblablement l’une de leurs fonctions biologiques, l’alimentation, qui les rapproche de la côte, puisque les dauphins poursuivent les bancs de poissons », indique le scientifique. Les dauphins communs migrent avec leurs proies. Ils arrivent donc près du rivage par petits groupes, en chassant ou en jouant. C’est le cas de

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