Revoir les Ardennes

C’est souvent la même trajectoire. Une fois passé le bac, il faut quitter les Ardennes pour des formations universitaires à Reims, Lille ou Paris. En comparaison, la vie des grandes villes a de quoi retenir celles et ceux qui ont quitté leurs Ardennes natales. Mais quelques un·es reviennent. Avec des projets et des savoir-faire, ces Ardennais·es « redynamisent » leur département, qui se remplit de concerts, de musiques et de spectacles qui pourraient donner à d’autres le goût de s’y essayer et de rester.

Tom Umbdenstock & Fabien Legay
Leïla et Nicolas, de retour à Charleville-Mézières, ont décidé de s’investir dans le festival Karlsstadt et Sentiers Battus, dont la première édition a eu lieu dans leur jardin © Fabien Legay
Leïla et Nicolas, de retour à Charleville-Mézières, ont décidé de s’investir dans le festival Karlsstadt et Sentiers Battus, dont la première édition a eu lieu dans leur jardin © Fabien Legay

Sur les bords de la Meuse à Charleville-Mézières, une centaine de personnes s’égayent autour du guitariste britannique The Flamenco Thief. Le temps d’un été, ce coin d’herbe verte en dessous d’une passerelle qui enjambe le fleuve est animé par l’équipe du bar Banana Joe, ouvert par Maxime Collet en 2021. Après d’autres vies passées à Reims, à Lausanne ou à Nice, le Carolomacérien de naissance a installé son troquet à quelques kilomètres de là. Sa casquette « La Cabane à Joe » sur la tête, le quadragénaire un soupçon grisonnant affirme fièrement : « C’est un projet que j’ai mûri pendant dix ans. Je savais que j’allais revenir un jour pour ouvrir un bar. » Même si « on a l’image d’un département où il ne se passe rien, où c’est la crise et dont tout le monde se barre. », lui est revenu proposer un « concept très bobo-vintage, avec des bières locales et des produits bio » inspirés par ses expériences d’animateur en Club Med, en hôtellerie et dans la communication. À son initiative, le Banana Joe s’est transformé en bar dansant, lieu de découvertes musicales. Lui qui pensait n’embaucher qu’un·e employé·e en compte aujourd’hui quatre.

Partir pour étudier, un passage presque obligé

Comme Maxime, celles et ceux qui veulent poursuivre des études supérieures doivent souvent quitter les Ardennes. Même si le Campus Sup Ardennes, inauguré à Charleville-Mézières en 2019, doit améliorer la tendance, pour beaucoup, il faut encore rejoindre Reims, la grande ville voisine située dans le département de la Marne pour trouver une faculté de médecine, de sociologie, d’histoire, ou de droit. Le journal L’Ardennais dénombrait ainsi 2 312 étudiant·es à Charleville-Mézières en 2022, 385 à Sedan en 2023 et une centaine à Rethel en 2022, les trois principales villes des Ardennes. Reims de son côté en abritait presque dix fois plus, environ 30 000. Même une fois les études terminées, revenir paraît risqué dans ce territoire moins attractif, où le taux de chômage des 15-24 ans atteignait 31,5 % contre 21,5 % au niveau national en 2020 d’après l’Insee. Dans Ceux qui restent, où il brosse le tableau de campagnes dites en déclin du Grand Est, le sociologue Benoît Coquard décrit : « Depuis la fin des années 1990, environ un tiers des entrants sur le marché du travail partent des zones enquêtées à ce moment de leur vie (18-25 ans), sans jamais revenir par la suite. » En cette mi-septembre, le festival du Cabaret Vert qui a accueilli 127 000 spectateurs et spectatrices est terminé. Le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes qui attend 150 000 personnes n’a pas encore commencé. Ces événements d’ampleur font la

[…]
Pour poursuivre votre lecture et soutenir notre projet, nous vous invitons à commander la revue papier.

Pays est une revue indépendante, sans publicité, éditée par ses quatre cofondateurs et cofondatrices. Pays, la revue qui nous entoure, s’intéresse à un nouveau territoire pour faire mieux que découvrir : comprendre.

Livraison gratuite en France.