Chapitre 1 : La Pointe de La Varde
~ Elle avance le bout de son nez sur la Manche, avec ses landes ébouriffées par les vents. La Varde, cette pointe sauvage, offrant un panorama luxuriant sur la côte d’Émeraude, donne à voir Saint‑Malo sous un autre angle. Servane Escoffier connaît ce sentiment. Elle a grandi juste là, sur le front de mer.
La Varde reste le recoin sauvage de la cité malouine. Que vous évoque‑t‑elle ?
Il y a des endroits comme cela où le cœur se serre sans que l’on puisse l’expliquer. C’est exactement ce que je ressens en ce moment. La maison que l’on voit en face, avec les bow‑windows, est celle où j’ai grandi, de mes huit ans jusqu’à ce que mes parents divorcent, quand j’avais 16 ans. Enfin, pas vraiment, puisque ma mère l’a quittée à mes 23 ans. J’ai fait ma vie ici. Peut‑être que ce sont ces souvenirs qui me procurent cette sensation. J’ai eu la chance de grandir là mais les événements de la vie, plus négatifs, qui sont arrivés ensuite, me donnent un sentiment partagé.
J’allais sur la plage du Pont, juste en bas. On faisait de l’Optimist avec la SNBSM, le club du coin, et on dessalait là . De cette période, j’ai gardé des amis incroyables. Je reviens de temps en temps, en balade avec mes enfants mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir ce sentiment en arrivant. Celui du bonheur de l’enfance, disparu peut‑être. Ça me fait vraiment quelque chose. Ce sont aussi les souvenirs des premiers amours. À la pointe, il y avait même une boîte de nuit, l’Escalier. Je n’y suis jamais allée malheureusement. Je crois que, lorsqu’on vieillit, on se rend compte de la chance qu’on a eu de grandir à un endroit. Cela ne vient pas forcément sur le moment.
Quel sentiment vous procurait la mer ?
Je n’en avais pas peur. Quand je la regardais, comme je la regarde aujourd’hui, au bord des falaises, j’avais l’impression que le monde était là, et s’ouvrait devant moi. Je crois que c’était ça.
Avant d’arriver ici, où viviez‑vous ?
J’ai grandi en Normandie, jusqu’à mes sept ans. Mais nous venions régulièrement en Bretagne. Une de mes grands‑mères vivait à Cancale. Toutes nos vacances d’été se passaient là.
Quels souvenirs gardez‑vous de cette enfance dans ce cadre efflorescent ?
Grandir à Saint‑Malo, c’était l’éclate. On allait tout le temps sur la plage du Pont après l’école, on vadrouillait à vélo partout sur la pointe de la Varde, qui était moins protégée à l’époque qu’elle ne l’est aujourd’hui. On se faisait disputer par les parents parce qu’il y avait des