Quand on arrive dans les Ardennes sans y avoir vécu, on rencontre deux discours. Le premier veut que ce territoire soit un diamant brut qui ne demande qu’à être exploité au mieux, et qu’il faille agir pour le défendre. Le second assure qu’on y manque d’esprit d’initiative, qu’on ne lève pas assez la tête pour entreprendre, et que quelque chose de diffus et de circonstanciel nous bloque.
Là-bas, on se souvient de ce qui nous distingue comme de ce qui nous rapproche, et on sait jusqu’où on peut chuter avant de se relever. Dans l’histoire contemporaine, ce sont les guerres qui ont marqué les esprits ardennais.
Le Jour de Sedan
Tout a commencé en 1870. Le 19 juillet de cette année-là, Napoléon III déclare la guerre au royaume de Prusse. Le conflit franco-allemand s’achève pour l’Empereur à Sedan quelques mois plus tard, le 2 septembre. Cette cuisante défaite, qui inaugure la IIIe République, est suivie par l’épisode du « Camp de la Misère » : 83 000 soldats français survivants et leurs 20 000 chevaux sont entassés dans la boue sur la presqu’île d’Iges, à quelques kilomètres de Sedan, pendant plus d’une semaine. L’enfer se poursuit pour la grande majorité d’entre eux, envoyés de force en prison en Allemagne.
À la fin de cette courte, mais douloureuse guerre, le traité de Francfort engendre la cession de l’Alsace–Moselle et le versement d’une indemnité de cinq milliards de francs-or, soit 15 % du PIB d’alors, ainsi que l’occupation d’une partie du territoire français avant le règlement total de ce tribut. Les Ardennes sont occupées pendant près de deux ans. Jusqu’en 1918, le Sedantag (jour de Sedan) est même célébré en tant que fête nationale le 2 septembre, dans un Empire allemand en structuration.
Un massif convoité
Pour comprendre le marasme vécu par les Ardennes, il faut parler géographie. L’Ardenne est une ancienne chaîne de montagnes à cheval sur la Belgique, la France, le Luxembourg et l’Allemagne. Elle confère à ce territoire une
place de choix en Europe, un emplacement d’autant plus stratégique lors de conflits.
Les lieux attirent ainsi de plus belle en 1914. Alors que le Luxembourg et la Belgique se déclarent neutres au démarrage
de la guerre, l’armée allemande traverse l’Ardenne pour