Non loin de Rethel, en cette fin d’été 2023 caniculaire, le soleil de septembre brûle encore. Les moissons sont terminées depuis un mois. Au pied d’un mât blanc, perché sur son tracteur, un agriculteur finit de retourner sa terre. Le paysage vallonné dévoile derrière lui, à perte de vue, des champs de cultures et d’éoliennes. L’œil perçoit, malgré la brume de chaleur, un spectacle singulier : où que l’on pose le regard, on devine toujours, un peu plus loin, un peu plus floue, la rotation des pales. Toutes ont été installées là en batterie par des développeurs privés.
Toutes ? Non. Un peu plus au nord, sur les Crêtes Préardennaises, à la couture entre le massif franco-belge et les plaines crayeuses de la Champagne, trois éoliennes à la silhouette fine tournent. Elles alimentent quelque 1600 foyers, hors chauffage, et représentent 80 % du mix énergétique de la Communauté de communes. Dans le champ, au soleil de la fin d’après-midi, Jean-Marie Oudart, maire de Poix-Terron, et Marcel Letissier, ancien premier édile d’Écordal — à mi-chemin
entre Charleville-Mézières et Rethel — peinent à cacher leur joie derrière leurs bras croisés. Lesdeux retraités, et Christel Sauvage, la très dynamique présidente de la société du projet, ENErgic, sont fier·es de ce qu’ils et elles ont accompli ici avec les habitant·es du coin : un parc éolien citoyen baptisé « les Ailes des Crêtes ».
Celui-ci appartient aux personnes qui y ont investi leur propre argent. Ses membres votent en assemblée générale et décident de sa gestion et de son avenir. Un mécanisme différent des simples achats d’actions proposés par certains développeurs privés, qui ne donnent aucun droit de regard sur l’entreprise. « Du budget com’ », selon Jean-Marie Oudart,
par ailleurs ancien agriculteur bio. Dans la première région et le onzième département de France les plus équipés en éoliennes, l’accueil local est un défi pour les développeurs. Les articles qui relatent les mobilisations contre l’installation massive de machines abondent. Encore cet été 2023, au pied du sanglier géant Woinic, près de 200 personnes se sont prononcées contre le mégaprojet du Mont des Quatre Faux, et contre l’accélération par le Gouvernement de l’expansion des champs éoliens. Plutôt que d’en faire accepter un de plus, le maire de Poix-Terron et ses camarades ont choisi de se réapproprier l’énergie, les décisions qui vont avec, ainsi que tous les sujets d’aménagement territorial.
Une vision globale
Tout a commencé dans les années 1980, alors que le département entier, métallos comme écolos, se battait contre l’implantation d’une nouvelle centrale nucléaire à Chooz, dans la vallée de la Meuse. François Mitterrand, le président de la République du moment, avait pourtant promis qu’il ne
