Cet article est issu du numéro de Pays consacré à Mayotte.

À la croisée des civilisations

Mélange de Bantou·es d’Afrique de l’Est et d’Austronésien·nes de Mada­gas­car, la popu­la­tion maho­raise s’est enrichie au fil du temps de Perses, d’Arabes et même d’Européen·nes, arrivé·es par la mer. Des origines diverses, dans une zone fré­quen­tée et convoitée.

Nora Godeau
Frag­ments d’une poterie carénée, décou­verte dans une fosse dépotoir à Tsim­kou­ra (commune de Chi­ron­gui) et datée du XIIe-XIIIe siècle. — Marine Fer­ran­dis, Inrap, 2022.

« Les plus anciennes traces de peu­ple­ment sur l’île de Mayotte ont été retrou­vées à Koungou, plus pré­ci­sé­ment sur la plage de l’Ylang-Ylang, située à l’ouest du village. Elles datent des viii e — ix e siècles », relate l’archéologue Marine Fer­ran­dis, qui a par­ti­ci­pé à dif­fé­rentes fouilles sur le ter­ri­toire. Décou­vert dans les années 80, ce site a mis au jour des tessons de céra­mique dont les décors sont carac­té­ris­tiques de la côte est-afri­caine, avec, tou­te­fois, une influence malgache. « Martial Pauly est l’un des premiers cher­cheurs à s’être penché sur l’histoire du peu­ple­ment de Mayotte. En s’appuyant sur des éléments aussi divers que les restes ali­men­taires, la géné­tique et même la lin­guis­tique, il soutient la thèse selon laquelle l’archipel des Comores a été une plaque tour­nante du commerce entre les popu­la­tions du sud de l’Asie, les Aus­tro­né­siens prin­ci­pa­le­ment ori­gi­naires d’Indonésie, et les Bantous d’Afrique de l’Est », explique Marine Fer­ran­dis, qui a tra­vaillé plu­sieurs années à ses côtés. 

Les pre­mières missions archéo­lo­giques, ce sont les Américain·es Henry T. Wright et Susan Kus de l’université du Michigan qui les ont menées à partir de 1975, à l’époque où les routes voyaient le jour sur l’île. Le duo a divisé l’histoire de Mayotte en trois « périodes », chacune consti­tuée de plu­sieurs « phases cultu­relles. » Depuis, pas moins de 120 sites ont été appré­hen­dés, fouillés ou sim­ple­ment pros­pec­tés ou repérés

La période archaïque

La première phase de la période archaïque se nomme « phase Dembéni ». Elle démarre dès le VIIIe siècle et cor­res­pond à un âge où Mayotte — animiste — com­men­çait tout juste à s’islamiser au contact des popu­la­tions swa­hi­lies d’Afrique de l’Est. « On a retrouvé beaucoup de mobilier malgache sur les sites les plus anciens, décrit Marine Fer­ran­dis. C’était un peuple de navi­ga­teurs, comme l’attestent les restes ali­men­taires de poissons et les objets en corail. Les tombes sont ornées de coquillages. »

À Dembéni, les archéo­logues ont fouillé deux sites d’un temps plus tardif, qui s’étend 

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