Au cœur d’une ruelle située à Dzaoudzi, le local du Royaume des fleurs – Kazyadance passerait presque inaperçu. Vu de l’extérieur, il s’agit d’une petite maison avec un portail, comme on en trouve tant en Petite-Terre. Mais lorsque l’on franchit l’entrée, on plonge tête la première dans l’univers de la danse. Le lieu grouille de monde tous les après-midis. Des parents viennent déposer leurs enfants aux cours, des adolescent·es se retrouvent là pour « passer le temps », et les membres de la structure ne cessent de s’affairer. Parmi l’équipe se trouve un prénommé Jésus. Il n’aime pas prendre la parole en public et se cache derrière un sourire crispé et un regard profond qui en dit long sur sa lourde histoire. Pourtant, ce jeune homme de 22 ans exerce ici en tant que professeur de danse afro. Il n’est à l’aise qu’en salle de cours, devant ses élèves. « Quand je danse, je m’exprime plus facilement que lorsque je dois parler », avoue-t-il. Aujourd’hui Jésus figure comme l’un des meilleurs éléments de la structure, bien loin de l’époque où il a été recueilli par les bénévoles, à ses seize ans. « Je suis l’un des anciens enfants qui foutaient la merde. Je n’avais aucune loi, je n’allais pas à l’école, je ne respectais rien ni personne », admet-il humblement. Après des mois de persévérance de la part des membres de l’organisation et de lui-même, l’artiste a changé du tout au tout. Il n’a pas abandonné son style composé de survêtements, mais il n’a plus cette apparence négligée d’avant. « Quand je suis arrivé à Kazyadance, j’ai arrêté toutes les bêtises parce que je me suis rendu compte qu’ici j’avais plus à gagner. Cela m’a sauvé de la délinquance », reconnaît-il.
Donner envie aux jeunes de quitter la rue pour l’art, c’est un défi de taille que s’est lancé Djodjo Kazadi, co-fondateur de l’association Le Royaume des fleurs — Kazyadance. Le danseur professionnel a décidé de créer cette structure en 2016, par nécessité. « J’ai vu qu’il y avait des jeunes qui traînaient dans les rues. Parfois ils se retrouvaient dans des endroits pour danser alors un jour je suis allé vers eux, je leur ai montré ce que je savais faire et ils m’ont tout de suite adopté », se souvient-il. Il commence dès lors à transmettre ses compétences à son petit groupe. Les apprenti·es et leur prof se réunissent tantôt dehors, tantôt dans une Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) à accès limité, mais ressentent de la frustration à ne pas pouvoir s’exprimer totalement. « Je voulais que l’on ait notre propre espace, que l’on puisse entrer sans restriction. J’ai fini par trouver un endroit pour nous accueillir. » Depuis, le local s’est transformé en lieu de vie. Les plus petit·es prennent des cours de danse et les enseignant·es sont tout simplement les ancien·nes adolescent·es de rue passionné·es par cet art en mouvement, à l’image de Jésus. L’association l’a engagé en CDI, ce qui lui fournit une certaine garantie pour mener à bien ses projets. « Certains tombent après avoir quitté l’école, on les voit dehors. L’école n’est pas faite pour eux et je peux le comprendre, mais il faut leur proposer autre chose, leur donner un espace pour qu’ils puissent s’exprimer », assure Djodjo Kazadi, à l’origine de la structure.
En classe et en dehors
À Tsoundzou, un village de Mamoudzou, une autre association œuvre au même