Cet article est issu du numéro de Pays consacré à Mayotte.

Désac­cords de principes

La société maho­raise, consi­dé­rée comme matriar­cale, laisse une place impor­tante aux femmes. Jusqu’à un certain point. Elles prennent les déci­sions cru­ciales concer­nant la famille, mais doivent se plier aux exi­gences d’une culture qui les traitent dif­fé­rem­ment des hommes. Et ce malgré la moder­ni­sa­tion qui leur permet de s’émanciper.

Raïnat Aliloiffa & Samia Benkahoul
Taambati Moussa se présente comme la gar­dienne des tra­di­tions maho­raises. Elle prépare des colliers anfou, faits de fleurs de jasmin.

Dans sa maison, située dans le sud de l’île de Mayotte, à Bouéni, Taambati Moussa vit dans un havre de paix. Seuls les chants des oiseaux et le vent qui souffle sur les feuilles des arbres viennent per­tur­ber le calme qu’offre le domaine. On trouve chez elle ce qu’elle appelle « le musée ». Il s’agit en réalité d’une pièce dédiée à la pré­ser­va­tion d’outils, de produits et d’instruments typi­que­ment mahorais. La sexa­gé­naire affec­tionne cet antre, elle la montre à qui passe le pas de sa porte. À Mayotte, on la connaît comme la gar­dienne des coutumes. Sans cesse vêtue de son salouva, la tenue tra­di­tion­nelle des Maho­raises composée de deux bouts de tissus colorés que l’on noue autour de la poitrine et sur la tête, elle porte aussi chaque jour son msind­za­no — un masque de beauté à base de bois de santal. Les femmes l’étalent sur tout le visage et sortent avec pour se protéger du soleil. Cer­taines s’en servent en outre pour réaliser des dessins, notam­ment lors des mariages. 

Taambati Moussa s’est faite l’ambassadrice de ces rites : elle va dans les quatre coins de l’île, et même dans des salons natio­naux et inter­na­tio­naux, pour les faire connaître. Une cause qui lui tient à cœur. « On m’a élevée de manière tra­di­tion­nelle en valo­ri­sant les coutumes maho­raises et j’ai toujours fait en sorte de les per­pé­tuer, car c’est notre identité, notre vitrine », assure-t-elle. Son édu­ca­tion reflète celle de toutes les jeunes filles de son époque à savoir : bien gérer un foyer, s’occuper de son conjoint et des enfants, ou encore rester à la maison pendant que l’époux tra­vaille à l’extérieur. Pourtant, Taambati n’a pas vécu à Mayotte toute sa vie. Une fois mariée, elle a suivi son com­pa­gnon mili­taire dans l’Hexagone puis à La Réunion sans que cela ne l’éloigne de ses racines. Sa famille lui a inculqué l’art mahorais, elle a appris à cuisiner les plats typiques et à s’embellir avec des produits naturels. Jusqu’à mettre un point d’honneur à ensei­gner cet héritage à ses trois enfants. 

Aujourd’hui, elle se consacre corps et âme à le diffuser à plus grande échelle, par peur de les voir s’éteindre. « Je me suis engagée dans ce combat, car il faut pré­ser­ver nos tra­di­tions, faire en sorte qu’elles ne dis­pa­raissent pas. Personne ne le fera pour nous », défend-elle avec ardeur. Sa cer­ti­tude ? La trans­mis­sion passe en grande partie par l’éducation des plus jeunes. « Les parents doivent leur montrer ce que l’on fait chez nous. Mal­heu­reu­se­ment, de nos jours, les mères qui sont en charge de l’éducation des enfants n’ont pas le temps de s’occuper des tra­di­tions parce qu’elles tra­vaillent », relève-t-elle, une pointe de regret dans la voix.

Finies les conventions

Il faut dire qu’au fil des géné­ra­tions, la paren­ta­li­té a évolué. La femme au foyer, qui avait pour mission prin­ci­pale de s’occuper de son ménage, et en par­ti­cu­lier de ses enfants, se fait de

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