Cet article est issu du numéro de Pays consacré à Mayotte.

Latoul­dine Madi, gardien du jardin mahorais

À Barakani, Latoul­dine Madi chérit les terres de ses ancêtres avec amour et passion. Entre jardin mahorais et procédés agro­fo­res­tiers, le jeune agri­cul­teur a déve­lop­pé une exploi­ta­tion res­pec­tueuse de l’environnement en plein cœur de l’île.

Lise Gaeta & Samia Benkahoul
Latoul­dine Madi a repris l’activité de ses ancêtres pour la faire perdurer. Il veut déployer le modèle agricole du jardin mahorais dans le village de Barakani, à l’ouest de Grande-Terre.

Lorsque le pro­prié­taire vient accueillir les visi­teurs et visi­teuses au bord de la dépar­te­men­tale 8, rien ne laisse présager de la beauté de son écrin bien caché dans la mal­avoune. Et pourtant… après une centaine de mètres, une rivière vrom­bis­sante, des oiseaux chantant et la canopée loin au-dessus emplissent le cœur des néo­phytes qui ne savent où poser leur regard. « Nous nous trouvons sur les terres qui appar­te­naient à mes grands-parents », explique, Latoul­dine Madi, très fier de faire perdurer l’activité de ses ancêtres, qui lui ont donné le goût du travail de la terre et l’amour de ses racines. « À côté, mes frères exploitent éga­le­ment dif­fé­rentes par­celles » détaille le maître des lieux. Une affaire de famille donc, mais, trop modeste, le presque tren­te­naire oublie de préciser qu’il exerce seul. Entre­tien, plan­ta­tion, récolte… armé de ses deux bras, le jeune homme au regard vif ne faiblit pas pour atteindre son rêve : vivre de son métier. « Durant la semaine je suis un cursus au Centre de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle et de pro­mo­tion agricole [CFPPA] de Coconi pour obtenir le Brevet Pro­fes­sion­nel Res­pon­sable d’Entreprise Agricole [BPREA]. Je me rends dans mon champ tous les soirs ainsi que les week-ends où j’ouvre les portes de la pro­prié­té à mes invités », détaille‑t‑il posément. S’accomplir dans son activité et faire décou­vrir l’agriculture maho­raise, voilà la vie choisie par Latoul­dine Madi. 

Une aventure humaine et sensorielle

Ras­sem­blez vos cinq sens et que le spec­tacle commence ! En bon pro­fes­seur, le culti­va­teur explique pas à pas sa démarche : « Ici, j’ai décidé de planter des ananas pour contrô­ler l’érosion des sols […] Là-bas, j’ai créé une treille pour que les fruits de la passion puissent se déve­lop­per. » Alors que tout le monde brandit son appareil photo pour ne pas en perdre une miette, Latoul­dine Madi, pieds nus sur cette terre qu’il aime tant, choisit de les recon­nec­ter avec l’environnement qui les entoure. « Main­te­nant nous allons faire un petit jeu, explique-t-il en cueillant quelques feuilles, goûtez et dites-moi à quoi vous fait penser cette plante.» Basilic poivré, menthe glaciale, agrumes en tous genres… Chez le culti­va­teur, les goûts et les saveurs se mélangent et égayent les papilles. Fin gourmet, celui-ci se réjouit à piéger les tou­ristes du jour entre odeurs aty­piques et parfums fami­liers. « Pour moi la dimen­sion ludique est très impor­tante. J’aime quand le savoir se partage en s’amusant », témoigne-t-il. 

Grâce à ses visites, Latoul­dine Madi valorise le patri­moine de l’île qui l’a vu naître et perpétue la tra­di­tion du jardin mahorais, menacée d’extinction depuis quelques années. La popu­la­tion ne cesse de croître et avec elle, les méthodes agri­coles ances­trales sont rem­pla­cées par des mono­cul­tures de banane ou de manioc. Plus ren­tables, plus pro­duc­tives et plus nour­ris­santes, ces plantes viennent mettre à mal les sols. « On veut à tout prix produire davan­tage en oubliant le respect de la nature et la richesse de nos res­sources », se désole-t-il dans son paradis vert. Inspiré par l’agriculture bio­lo­gique, durable et l’agroforesterie, le pro­fes­sion­nel souhaite 

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