« Mayotte est française et le restera à jamais ». Imprimé en caractère gras sur un fond tricolore, ce slogan accueille les visiteurs et les visiteuses dès leur arrivée à Mamoudzou. Impossible de rater le message de ce panneau dressé sur la place de la République depuis octobre 2019.
Cette initiative s’inscrit au départ dans le cadre de la venue présidentielle durant cette même période, sous l’impulsion du député mahorais Mansour Kamardine (LR). La signalétique surprenante n’est pourtant pas seulement destinée au chef de l’État. Il s’agit aussi d’une réponse à une pancarte similaire plantée en plein centre de Moroni, la capitale de l’Union des Comores. État qui, depuis son indépendance en 1975, considère Mayotte comme une composante de son territoire national. Non loin du principal port, les badaud·es peuvent ainsi lire depuis plus de dix ans en lettres majuscules « Mayotte est comorienne et le restera à jamais ». Une initiative du Comité Maore, organisme de lobbying, dont l’objectif vise, à terme, le rattachement de « l’île comorienne de Mayotte ».
Symbole des tiraillements de la région, ce duel de panneaux résume une situation politique complexe et instable. Côté comorien, l’État justifie sa doléance sur la base des dizaines de résolutions des Nations Unies qui rappellent sa souveraineté sur Mayotte. Côté français, l’argument est balayé au revers des référendums réalisés sur l’île depuis 1974. Lesquels sont censés traduire un attachement populaire, en dépit des protestations comoriennes et des hésitations des gouvernements français successifs. Dans ce contexte tendu, l’Histoire de Mayotte devient un objet de récupération politique en fonction des revendications de chacun·e.
Roman national contre réalité historique
Pour l’Union des Comores, l’occupation illégale de l’île comorienne de Mayotte s’inscrit dans l’aboutissement d’un processus colonial qui commence par la prise de l’île en 1841. Pour les partisan·es de « Mayotte la Française », cette date marque au contraire le début d’un rapport pacifique et protecteur de la France vis-à-vis des prédations des îles voisines. En témoigne le récit rédigé par l’une des figures de proue du rattachement de Mayotte au sein du giron français : le royaliste Pierre Pujo, directeur de la revue d’extrême droite Aspects de la France, l’hebdomadaire d’Action française. Le militant s’est investi activement, à partir de 1974, dans le « Comité de soutien pour l’autodétermination du peuple mahorais ». Le groupe de lobbying se compose de journalistes, politiques et avocat·es uni·es qui veulent maintenir Mayotte en France. Jusqu’à sa mort en 2007, le nostalgique de l’Empire colonial abreuve l’opinion, les député·es, les sénateurs et sénatrices, de sa propagande. Il synthétise son engagement en 1993 dans son ouvrage Mayotte la Française, qui débute par une présentation aux allures de conte pour