Une journée type ? Impossible à décrire pour Yasmine, 27 ans, sage-femme aux urgences gynécologiques du Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) : « Ce matin, j’ai commencé ma garde à 7 h. Il est maintenant 8 h 30, j’ai déjà vu 11 patientes, dont une vient d’accoucher juste là. » Elle pointe du doigt un brancard collé contre le mur de son bureau, une pièce exiguë qui sert en temps normal aux simples consultations, où seul un rideau blanc cache la vue d’un couloir bondé. À cet endroit attendent d’autres femmes enceintes. Deux heures plus tard, ce sont les pompiers qui lui amèneront un nouveau-né enveloppé dans une couverture de survie, sa mère ayant accouché dans les embouteillages sur le chemin de l’hôpital. Il est 10 h 28, la journée ne fait que commencer.
Après deux ans de service à Mamoudzou, la jeune professionnelle originaire d’Alsace confesse vouloir bientôt tirer sa révérence. Un exploit, en réalité, pour l’une des plus ancien·nes employé·es de l’établissement, où le taux de renouvellement du personnel médical atteignait 209 % l’année dernière, selon un rapport d’activité interne mené par la direction. « Nous avons tellement de mal à recruter que l’hôpital accepte de signer des contrats de trois mois seulement, explique Yasmine, tout en empilant les carnets de santé qui continuent d’affluer sur son bureau. Le sous-effectif n’est pas que lié au budget, mais aussi aux conditions de travail : il y a environ 70 postes vacants à Mayotte, que nous devrions normalement avoir pourvus pour assurer le minimum syndical. Sauf que personne ne veut venir travailler ici. »
Baby-boom clandestin
Avec 10 704 naissances en 2021, soit 17 % de plus qu’en 2020, la maternité de Mamoudzou reste, d’année en année, la plus productive de France. Pour cause, c’est aussi celle qui voit passer le plus de mères de nationalité étrangère. Trois quarts des naissances y sont donnés par des Comoriennes, la plupart arrivées clandestinement sur l’île — où le taux de natalité est supérieur à quatre enfants par femme. Cette forte surreprésentation se retrouve dans la démographie du département. Selon l’Insee, à Mayotte, près d’un·e habitant·e sur deux serait de nationalité étrangère, des Comores pour la grande majorité, en tout plus de 300 000 personnes. Un chiffre record en France, derrière Paris — qui en accueille plus de 330 000 — mais sans les infrastructures adaptées.
Cette situation explosive fait de la maternité de Mamoudzou le catalyseur de tensions importantes. Au sein de la société et des pouvoirs publics, l’opinion dominante consiste à penser que les Comoriennes débarquent sur l’île juste avant leur accouchement, dans le but d’obtenir la nationalité française. En résulte même, depuis 2018, une modification exceptionnelle du droit du sol à Mayotte avec la loi « Asile et immigration ». Elle ajoute un frein spécifique au territoire : il faut qu’au moment de la naissance, l’un