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Cet article est issu du numéro de Pays consacré à Mayotte.

Nassur Attoumani, la mémoire en marchant

Né en 1954 à Moroni (capitale de l’Union des Comores), de parents originaires de Mayotte, Nassur Attoumani est auteur. Touche-à-tout, il s’est également illustré dans le théâtre et la musique, ses premières amours. Un parcours original qui l’a mené tardivement à l’écriture. Arrivé à neuf mois à Mayotte, il a été élevé par sa tante paternelle dans le sud de Grande Terre, où il nous emmène.

Nora Godeau & David Lemor
L’écrivain Nassur Attoumani devant la mosquée de Bouéni, où son grand‑père — un sage reconnu et respecté — est enterré.

Chapitre 1 : Le tobé de Tsimkoura

~ C’est le sud de son enfance, passée entre Grande Comore et Mayotte, que Nassur Attoumani a décidé de nous faire découvrir. Non pas le sud contemporain, qui s’est beaucoup développé ces dernières années, mais celui des années 1960, quand ce n’était qu’une brousse parsemée çà et là de petits villages. En garant notre voiture pour emprunter un chemin de randonnée serpentant dans les hauteurs de Tsimkoura, nous étions loin de nous douter que l’écrivain allait nous entraîner pour 30 minutes de marche en montagne, au cœur de la forêt tropicale.

C’est donc tout essoufflés et en nage que David, le photographe, et moi-même, sommes parvenu·es à destination. Nassur Attoumani, au contraire, galopait devant sans aucune trace de fatigue malgré ses 67 ans. À l’arrivée, c’est l’étonnement : nous ne voyions qu’un champ sauvage perdu dans la montagne… mais l’écrivain a fait revivre sous nos yeux, par son verbe magique, tout un monde oublié.

Nassur, c’est donc ici que se trouvait le tobé de vos parents. Pouvez-vous tout d’abord nous expliquer la signification de ce mot ? 

Nassur Attoumani « Tobé » pourrait se traduire par « hameau ». Mais en réalité, ce terme correspond à un concept mahorais intraduisible littéralement en français. Il s’agit d’une maison de campagne spécialement bâtie pour venir cultiver les terrains situés loin de la maison principale. Une annexe, en quelque sorte. À Mayotte, ce sont les femmes qui possèdent les maisons et celle de ma mère se situait à l’époque à Bouéni. Mes parents ont donc construit ce tobé pour que nous puissions venir travailler dans les champs en famille. Mes sœurs logeaient avec mes parents dans la maison principale et, nous les garçons, avions notre propre banga dès l’apparition des premiers signes de puberté, comme le veut la tradition mahoraise. En tout, nous étions treize frères et sœurs issus du même père et de la même mère !

Où sont ces constructions aujourd’hui ? Nous ne voyons que des champs au milieu de la forêt…

Tout a disparu à l’heure actuelle, car la maison et les bangas étaient construits en torchis et surmontés d’un toit végétal. Il reste quelques traces par-ci par-là, mais je ne les vois que parce que je connais bien l’endroit. Mes parents possédaient sept hectares de terrain ici jusqu’en 1976. J’avais alors 22 ans. Nous venions les aider à cultiver les champs pendant les vacances scolaires en juillet et août, mais aussi durant la période du ramadan pendant laquelle, à l’époque, les élèves mahorais avaient des vacances. Nous cultivions principalement le

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