Cet article est issu du numéro de Pays consacré à Mayotte.

Vacance tou­ris­tique

Malgré son poten­tiel, Mayotte peine à attirer les tou­ristes. Coût du billet d’avion, manque d’infrastructures d’hébergement et de res­tau­ra­tion, contexte social… de mul­tiples freins mettent à mal la volonté dépar­te­men­tale de faire de ce secteur un véri­table enjeu économique.

Nora Godeau & David Lemor
Paysage para­di­siaque lors de la ran­don­née aqua­tique qui mène de Petite-Terre à l’îlot des aviateurs.

À quelques dizaines de mètres de l’aéroport de Mayotte, le bâtiment rutile encore. L’hôtel Ibis Styles de Pamandzi vient d’ouvrir ses portes fin août 2022. Prêt à accueillir les voya­geurs et les voya­geuses ? « Il ne faut pas se mentir, à Mayotte le tourisme n’existe pas ! » contre­carre William Labatut, le direc­teur de l’établissement flambant neuf. Le patron ne s’en cache pas, il mise plutôt sur la clien­tèle d’affaires pour faire « tourner sa boutique ». 

Pourtant, lorsque l’on arrive à Mayotte, la splen­deur du ter­ri­toire saute aux yeux. On dit l’archipel doté de l’un des plus beaux lagons du monde, qui lui a d’ailleurs valu le surnom d’île au lagon. Sa riche bio­di­ver­si­té envoûte les amateurs et ama­trices de fonds marins, tandis que les paysages ter­restres — forêts tro­pi­cales et massifs mon­ta­gneux — s’ajoutent au superbe tableau. Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : 65 500 per­sonnes sont venues à Mayotte en 2019 d’après l’Insee, dont 70 % pour du tourisme affi­ni­taire, qui ont donc des proches sur place. À titre de com­pa­rai­son, 489 919 visi­teurs et visi­teuses extérieur·es se sont rendu·es à la Réunion la même année, dont 37,8 % de tou­ristes affi­ni­taires selon Île de la Réunion Tourisme.

Ces « vacancier·es » d’un genre par­ti­cu­lier pré­fèrent séjour­ner dans leur famille ou chez leurs ami·es ou dans des gîtes. D’autant que l’offre de loge­ments reste faible. En 2019, le cabinet MKG Consul­ting a réalisé un diag­nos­tic de l’hébergement marchand à Mayotte pour le conseil dépar­te­men­tal. Bilan des courses ? Onze hôtels, cinq rési­dences de tourisme et 50 chambres d’hôtes et gîtes sont épar­pillés sur le territoire. 

Changer la donne

Avant cette date, le Comité Dépar­te­men­tal du Tourisme de Mayotte (CDTM) gérait toutes les tâches rela­tives à la question. « Nous étions chargés de l’accueil, de l’information et de l’animation : des missions nor­ma­le­ment dévolues aux offices de tourisme régio­naux et non à un comité dépar­te­men­tal qui est un outil poli­tique », explique Michel Madi, le direc­teur de l’ancien CDTM, remplacé en 2021 par l’Agence d’Attractivité et de Déve­lop­pe­ment du Tourisme de Mayotte (AaDTM). Sa nouvelle approche a donné la pos­si­bi­li­té à cette orga­ni­sa­tion his­to­rique de revenir à ses véri­tables objec­tifs : plancher sur une stra­té­gie tou­ris­tique pour l’île et aider les struc­tures privées à déployer une offre de qualité. « Qu’est-ce que Mayotte a à offrir en termes de déve­lop­pe­ment éco­no­mique hormis son lagon, sa culture ori­gi­nale et ses paysages para­di­siaques ? », s’interroge Charles-Henry Man­dal­laz, le pré­sident de l’Union des Métiers et des Indus­tries de l’Hôtellerie (UMIH) de Mayotte. Selon lui, cette réflexion doit mener à l’essor de cette branche sur le ter­ri­toire, qu’il estime « très importante ».

Bien peu face aux ambi­tions du conseil dépar­te­men­tal, qui voit dans le secteur une bonne manière de booster l’économie maho­raise. En 2020, son schéma régional de déve­lop­pe­ment tou­ris­tique a enfin émergé. Jusqu’ici bal­bu­tiant, le domaine a subi de nom­breuses évo­lu­tions, notam­ment la mise en place depuis 2015 des offices de tourisme intercommunaux. 

Des peurs persistantes

Mais cette ambition se heurte à de mul­tiples freins. L’insécurité dont souffre l’archipel, due à une situa­tion sociale alar­mante, arrive en tête de ceux-ci. Que ce soit les vols ou les atteintes aux per­sonnes, les données de l’Insee dans une enquête de 2021 sur la délin­quance montre des chiffres d’infractions et de délits bien plus élevés qu’en métro­pole, et qui concernent

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