Cet article est issu du numéro de Pays consacré à Mayotte.

Volcan, et la terre gronda

« La plus grande éruption sous-marine jamais documentée ». À Mayotte, en 2019, des scientifiques ont attesté, dans une explosion de joie, la naissance d’un volcan sous-marin, après des mois de tremblements de terre. Une première mondiale qui ne perturbe pas la vie de l’île, au risque de se faire oublier.

Manon Boquen & Benoît Michaëly
En surplombant le Dziani, l’origine volcanique du lac saute aux yeux : il a la forme d’un cratère.

Pour s’en rendre compte, il faut grimper. Sous le soleil tapageur du début de matinée, gravir un chemin de sable jonché de roches. Puis entamer le tour du sentier qui surplombe le Dziani — « le lac » en shimaoré — jusqu’au point le plus haut. Là, l’altitude transforme le regard et, tout à coup, le large trou rempli d’une eau couleur jade prend une autre consistance : celle d’un cratère. Le tableau ramène plusieurs milliers d’années en arrière, lorsqu’un volcan aujourd’hui éteint, a craché son dernier amas de lave. C’est bien d’ici, sur la très resserrée Petite-Terre, que l’héritage magmatique mahorais se revendique fièrement. Mais plus bas, dans les rues animées des deux îles qui composent Mayotte, difficile d’imaginer que l’histoire se répèterait dans une cacophonie ahurissante. 

« Je me souviens, pendant presque un mois, les gens dormaient dehors. Les tremblements de terre, ça surgit, ça surprend. » Bureau ultra climatisé, air affirmé, Madi Madi Souf, le maire de Pamandzi, a gardé les images des événements en tête. Le commencement ? Mai 2018. À partir de ce moment, et pendant plus de deux ans, à plus ou moins grande intensité, la terre a énormément grondé. Des séismes de moyennes et fortes magnitudes — jusqu’à 5,8 sur l’échelle de Richter — se sont succédé. Plus de 1 400 fois en juin 2018. Des failles infestaient les murs des bâtiments et des habitations. La population exténuée et en quête de réponses à ce brusque phénomène se massait dans la rue pour prier devant les mosquées. « Il a fallu attendre longtemps avant que des scientifiques ne viennent l’étudier », se remémore le premier édile, loup de mer de la politique mahoraise, qui, déjà en 1977, militait pour la départementalisation de l’île.

Un manque de matériel criant

Il faut dire aussi qu’un tel déferlement ne s’était, de mémoire humaine, jamais produit ici. Et que, comme dans beaucoup d’autres domaines, Mayotte manquait de tout pour pouvoir analyser la situation avec justesse. « La zone est mal connue. Il y avait des séismes, mais on ne savait pas d’où ils venaient », contextualise Charlotte Mucig. À la tête du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) de l’île depuis 2020, la directrice régionale ne suivait pas encore le dossier quand il a émergé. Elle sait toutefois que son organisme, lors des tremblements de terre à répétition, était en première ligne. La chercheuse dépeint : « Nous étions les seuls à avoir un réseau d’accéléromètres — des sismomètres un peu moins performants — qui donnaient une localisation très approximative des séismes avec des erreurs de plusieurs kilomètres. » L’unique certitude à leur sujet : ils avaient lieu en mer. Dès juin, l’équipe constatait même que Mayotte se déplaçait et s’enfonçait — un phénomène appelé subsidence — à une vitesse éclair, « 17 à 20 cm vers l’est et un affaissement de 8 à 15 cm entre mai 2018 et février 2019 ». 

Pour le reste, bien peu de choses. Tout juste des hypothèses qui s’entrechoquent. Et qui ont semé, plus encore, la confusion. Une faille, due à des mouvements tectoniques, provoquerait-elle cette activité sismique ? Frédéric Tronel, le directeur du BRGM de l’époque ainsi que la communauté scientifique en général

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