« Avec cent kilogrammes de fleurs, on obtient deux litres d’huile essentielle », chiffre Anwar Soumaila Moeva, devant un public curieux venu découvrir son exploitation en pleine forêt, au centre de Grande‑Terre. Son jardin mahorais, bien sûr, mais surtout l’ylang-ylang, arbre qui donne la reine des fleurs de Mayotte. Pour continuer à vivre de sa passion malgré des pertes de 70 % de ses récoltes dues à des vols à répétition, le cultivateur érudit a trouvé cette solution de l’agrotourisme. Il joue ainsi le rôle d’hôte sur ses terres chaque semaine. « Je possède six hectares divisés en deux parcelles, ce qui me permet à la fois d’assurer la distillation et de recevoir du public », explique le trentenaire, tout de rouge vêtu. Depuis un hangar où s’étalent quelques tables, le voilà qui présente l’histoire de l’ylang, du jardin, fait découvrir les arbres, les fleurs et leurs parfums avant une démonstration de distillation. Guide, chimiste, le président du syndicat des Jeunes Agriculteurs de Mayotte a dû apprendre à multiplier les casquettes pour se mettre au service de cette nature qu’il affectionne tant. « Nous essayons de stabiliser la filière et la production afin de fournir aux acheteurs un bien de qualité issu d’un terroir unique », assure-t-il. Aujourd’hui, il est l’un des rares à encore exercer cette activité. Pourtant, pendant longtemps, l’ylang-ylang a fait rayonner Mayotte. Concurrencé·es par les productions à bas coût des Comores, les Mahorais·es espèrent bientôt commercialiser le « caviar » des huiles essentielles et redonner à ce produit toutes ses lettres de noblesse. Un rêve pour le créateur du jardin au doux nom d’Imany, synonyme de « foi » en shimaoré.
Qualitative à souhait
Présente sur des vêtements, des foulards ou encore du linge de maison, à Mayotte, la fleur d’ylang‑ylang est un symbole. Composée de sépales, de six pétales et en forme d’étoile, elle se reconnaît par sa couleur vert-jaune et son fort parfum. À l’origine, l’arbre tropical du nom scientifique Cananga odarata, qui peut atteindre trente mètres de haut, provient des forêts humides d’Asie du Sud-Est. Introduit par les colons français à la fin du XVIIIe siècle dans l’océan Indien, la fleur deviendra la coqueluche des parfumeurs et parfumeuses qui vantent ses incomparables senteurs. Chanel, Dior ou encore Yves Saint‑Laurent intègrent l’huile essentielle d’ylang-ylang dans la composition de leurs plus prestigieux flacons.
Connue pour son climat tropical, Mayotte offre un terroir exceptionnel pour la culture de l’ylang-ylang. Les conditions atmosphériques sur l’île facilitent la pousse d’une fleur de qualité, ce qui se vérifie lors de sa transformation. Au cours de vingt-quatre heures de distillation, on obtient cinq fractions que l’on distingue en fonction de la densité de l’essence : L’Extra S, l’Extra, la Première, la Deuxième et la Troisième. Les trois premières se destinent à la parfumerie de luxe tandis que les deux autres servent à l’élaboration de produits cosmétiques ou encore de savons. L’Extra S mahoraise, largement reconnue dans le monde de la parfumerie, aide à fixer et développer les arômes des fragrances. D’abord collectée et transformée par la société coloniale Bambao, la fleur aux six pétales a ensuite attiré la célèbre entreprise Guerlain. Le parfumeur a pris la place de